DÉCÈS - Une grande figure du cinéma français s’en va. Célèbre héros de la saga “Angélique”, l’acteur et réalisateur Robert Hossein est mort ce jeudi 31 décembre, après “un problème respiratoire”, a annoncé son épouse, la comédienne Candice Patou, à l’AFP, confirmant une information du Point. Il venait de fêter ses 93 ans. D’après les informations de l’hebdomadaire, il serait décédé des suites du Covid-19.
De son vrai nom Abraham Hosseinoff, né le 30 décembre 1927 d’un père iranien zoroastrien compositeur et d’une mère russe orthodoxe et donc âgé de 93 ans, Robert Hossein a commencé sa carrière adolescent sur les planches du théâtre pour ne jamais vraiment les quitter. Après la guerre, il a effectivement décidé à 15 ans de se consacrer à l’art dramatique. Il suit les cours de René Simon, vit d’expédients à Saint-Germain-des-Prés. Il y rencontre Sartre et Genet et joue dans “Haute surveillance”.
Également metteur en scène, il voit passer dans sa troupe Isabelle Adjani, Isabelle Huppert, Jacques Villeret, Jean-François Balmer ou encore Francis Huster, dans des spectacles très applaudis, de “Crime et châtiment” aux “Misérables”. En outre, l’homme a aussi dirigé le théâtre Marigny à Paris de 2000 à 2008.
L’homme des méga-productions théâtrales
À lui seul, Robert Hossein a attiré une énorme partie de la fréquentation théâtrale hexagonale avec des méga-productions tel que “Un homme nommé Jésus” (700.000 spectateurs), “L’affaire du courrier de Lyon” (600.000) ou encore “Notre Dame de Paris” (480.000).
Il fait par ailleurs ses premiers pas au cinéma en 1948, comme figurant devant la caméra de Sacha Guitry dans “Le Diable boiteux”, puis il donne la réplique à Brigitte Bardot dans “Le repos du guerrier” (1962). Il devient l’acteur fétiche de Roger Vadim (“Le Vice et la Vertu” en 1963, “Barbarella” en 1968). Robert Hossein réalise son premier long-métrage “Les salauds vont en enfer” dès 1955. C’est en 1964 qu’il endosse ce qui restera son rôle le plus célèbre: celui de Joffrey de Peyrac, dans “Angélique Marquise des Anges”, et dans trois autres films de la série.
Au fil de sa longue carrière, il a aussi dirigé Johnny Hallyday dans “Point de chute” ou sa femme, la comédienne Candice Patou, dans “Le caviar rouge”.
Sex-symbol et “Angélique”
“Il a été acteur, auteur, metteur en scène, c’était le prince du théâtre populaire, on ne compte pas ses succès, il avait un sourire charmeur, un œil de velours, une belle voix: que d’atouts pour un homme qui avait le charme de Robert Hossein. C’est normal puisque c’était lui!”, a réagi l’ancien président du Festival de Cannes Gilles Jacob sur Twitter.
Il a été acteur, auteur, metteur en scène, c’était le prince du théâtre populaire, on ne compte pas ses succès, il… https://t.co/Q1soj30wBw
— gilles jacob (@jajacobbi)
Bien avant de remplir le Palais des Sports et de faire de la réclame pour des sonotones, Robert Hossein avait d’abord été un sex-symbol. Dans les années 60, plus qu’un homme, il incarnait un fantasme, celui qui enlaçait Michèle Mercier dans “Angélique, marquise des anges”. Le beau et ténébreux balafré Joffrey de Peyrac lui confère une aura internationale.
C’est à cette époque, âgé de 34 ans, qu’il épouse la fille de Françoise Giroud, Caroline Eliacheff, tout juste âgée de 15 ans. Pourtant, en 1970, le “Casanova de midinettes” comme l’appelait Marguerite Duras, décide de tout quitter. “Je n’aboutissais à rien, je devenais esclave de mon image”. “Je ne suis pas mondain pour un sou. Ces ronds de jambe, ces couilleries, j’en ai rien à foutre”, déclara-t-il plusieurs années après.
Seul, il part à Reims où il fonde son “théâtre populaire” et une école dont sortiront Anémone et Isabelle Adjani. Son slogan: “Du théâtre comme au cinéma!”. Une vision qui lui fait mêler lumières, musiques, textes classiques et grands sentiments. Son ambition: mettre en scène des classiques et attirer un public le plus large possible avec des effets de plus en plus empruntés au 7e art. Il programme ainsi Shakespeare, Lorca, Dostoïevski ou encore Steinbeck, qu’il monte sous forme de tableaux.
Humanisme mystique
Outre les grands spectacles, il a joué lui-même dans une trentaine de pièces, et monté des classiques, tels que “La Maison de Bernarda Alba” et “Hernani” pour la Comédie-Française ou encore “Cyrano de Bergerac” et “Huis clos” pour Marigny. Huit ans et dix-sept créations plus tard, Reims est reconnu scène nationale, les subventions affluent. Il décide paradoxalement de partir et plonge dans une profonde dépression.
À partir de 1978, il monte un spectacle tous les deux ans dans des salles gigantesques où il prêche l’espérance. De Jules César à Jean-Paul II, il raconte, avec l’historien Alain Decaux, des personnages historiques. Son oeuvre devient un théâtre de masse qui parle au coeur. “La Terre est en danger de mort. Je me suis dit: il faut une prise de conscience universelle pour nous sortir de la merde et réorganiser la Terre, le sable, la mer et tout le monde”, clamait-il de sa voix de rocaille.
À 50 ans, il se fait baptiser en même temps que son fils Julien, fruit d’un troisième mariage. “Ce n’est pas moi qui monte le spectacle, Dieu m’aide pour tout”, aimait répéter cet humaniste mystique et souvent grandiloquent. “Si le public ressort de mes spectacles avec au coeur l’envie d’aimer un peu plus son prochain, avec l’envie de se battre pour plus de fraternité, avec le dégoût de l’injustice et de l’inégalité, alors je suis content, je pense avoir été utile”.
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